Lettre circulaire :
Homélie
.SOLENNITÉ DE NOTRE SAINTE MÈRE JEANNE DE CHANTAL
Lourdes, le 12 août 2014
Intr.
Nous fêtons aujourd'hui avec solennité Mère Jeanne-Françoise de Chantal, née le 23 janvier 1572 à Dijon, quatre ans et demi après Saint François de Sales. Elle aura, malgré le manque maternel, une enfance heureuse. C'est une fille 'rieuse, vive, intelligente et studieuse' d'après un cotemporain de la Sainte.
Elle qui est appelée 'la dame parfaite' se marie avec baron de Rabutin ; le couple aura six enfants dont deux sont morts à la naissance. Après la mort accidentelle de son mari, suit un veuvage difficile. Elle écrit : « je crois que si le lien de mes quatre petits enfants ne m'eût retenue par obligation de conscience, je m'en fusse enfuie, inconnue, dans la Terre Sainte, pour y finir mes jours ». La renontre avec l'évêque de Genève, François de Sales, lui fut bénéfique et Jeanne se mit sous son autorité et à partir 1607, elle fut associée au projet de la Visitation. Elle s'endormit dans le Seigneur, le 13 décembre 1641.
Mes Soeurs,
Rassurez-vous, je ne compte pas relater toute la biographie de Jeanne de Chantal, votre sainte mère fondatrice, il suffit de lire l'œuvre de Françoise Bouchard, pour ne mentionner qu'elle.
En préparant ce petit mot j'ai glané par-ci par-là quelques perles qui valent la peine d'être re-lustrées -non pas celles qui ornaient les robes soyeuses de Jeanne-Françoise Frémyot de Rabutin, baronne de Chantal, 1572-1641, mais celles qui jalonnaient cette vie consacrée si riche aux multiples facettes.
À 29 ans, nous sommes en 1601, Jeanne-Françoise de Chantal mène une existence heureuse : un mari aimant, quatre enfants, une bonne situation sociale... Elle est une femme comblée. Mais c'est alors qu'un un drame la frappe. Son mari est mortellement blessé à la chasse. Suit alors un douloureux veuvage.
Un deuxième moment encore plus pénible de sa vie fut celui où elle se sépara des siens. Le 19 mars 1610, jour fixé pour les adieux, tout le monde réuni autour d'elle fondait en larmes. Mme de Chantal, seule, conservait un calme apparent ; mais ses yeux mouillés témoignaient de la violence qu’elle se faisait pour se contenir.
Grâce au témoignage précieux d'un certain Monsieur Robert, l'histoire a conservé ce qui suit : « Mme de Chantal allait de l’un à l’autre, embrassant ses parents, leur demandant pardon, les conjurant de prier pour elle, essayant de ne pas pleurer, et pleurant plus fort. Quand elle arriva à ses enfants, elle n’y put tenir. Son fils, Celse-Bénigne, se pendit à son cou et essaya par mille caresses de la détourner de son projet. Mme de Chantal, penchée sur lui, le couvrait de baisers et répondait à toutes ses raisons avec une force admirable. Nul cœur, si insensible qu’il fût, n’était capable de retenir ses sanglots en entendant « ce discours filial et maternel si douloureusement amoureux ». (Avez-vous remarqué le choix des mots ?) Après que les cœurs eurent été épuisés de tendresse, Mme de Chantal, pour mettre fin à une scène qui l’accablait, se dégagea vivement des bras de son fils et voulut passer outre. Ce fut alors que Celse-Bénigne, désespéré de ne pouvoir retenir sa mère, se coucha en travers de la porte en disant : « Eh bien ! Ma mère, si je ne puis vous retenir, du moins vous passerez sur le corps de votre fils ». À ces mots, Mme de Chantal sentit son cœur se briser, et, ne pouvant plus soutenir le poids de sa douleur, elle s’arrêta et laissa couler librement ses larmes.
Monsieur Robert qui raconte tout cela, lui demanda : ''Eh quoi ! Madame, les pleurs d’un enfant vous pourront ébranler ? – Non ! reprit la sainte en souriant à travers ses larmes ; mais que voulez-vous, je suis mère !'' Et elle passa sur le corps de son fils ».
Dure, dure, dure ! une telle énergie, une telle ardeur chez cette femme forte, et je me demande combien de fois saint François de Sales -qui durant dix-huit ans l'avait sous sa conduite- a dû lui dire : « rendez-vous souple à la grâce, faites tout suavement comme font les Anges, Dieu veut que nous soyons comme des petits enfants ».
Et ici je rejoins l'évangile de ce jour : « Qui est ma mère, qui sont mes frères ? » Pas de doute que pour Jésus sa propre Mère fut le point de référence de tous disciples qui Le suivraient, « frère, sœur, mère », ceux qui 'tout bellement' (ce sont les mots de saint François de Sales lui-même), plairaient à Dieu par 'la douceur, l'humilité, la patience, l'oublie de soi, la délicatesse et la souplesse' que François lui-même avait exercée auprès de votre mère, Jeanne de Chantal, si nécessaires à un dynamisme évangélique rayonnant !
Le chapître XII du livre de Françoise Bouchard a comme titre « Transmettre l'héritage...dans la continuïté ». et quand je lis dans l'évangile « Voici mon frère, ma sœur, ma mère.... », Jésus avait en vue service et fidélité à la volonté de Dieu « tout par l'amour et rien par la force », que sera la devise de François de Sales.
Terminons par quelques récommandations de votre Mère : « Mes filles, vivez dans une grande simplicité et observance, dans le respect et l'obéissance, parfaitement unies les unes aux autres, au devant de Celui qui vient ».